Sans doute ne voyons-nous plus les enfants jouer de la même façon depuis que le jeu de la bobine du petit Ernst fut rapporté et analysé par son grand-père Sigmund Freud. On ne peut désormais plus ignorer qu’il se livre, derrière la candeur des gestes et des fantaisies, un combat dans lequel, par un acte de culture, le sujet engage son corps, sa parole et ses objets face aux événements difficiles de l’existence. Entre la création et la répétition, l’enfant qui joue change le monde en même temps qu’il attend toujours le retour du même. Or à l’évidence, de cette trouvaille freudienne, le monde capitaliste a fait un cheval de Troie : la fiction du jeu est devenue une réalité standardisée ; celle des enfants comme des adultes. Plus un espace qui ne trouve sa face ludique : management, commerce, enseignement, rencontres amoureuses… Les bobines ont abandonné les terrains de jeu et laissé place aux produits manufacturés et aux algorithmes…
Paul Cézanne, Les Joueurs de cartes, 1890/1892 (détail)