Dans ce travail, je voudrais attirer l’attention sur le risque que comporte la tendance actuelle à substituer la première de ces dénominations à la seconde. Manie et mélancolie sont connues depuis l’Antiquité, du moins dans leurs manifestations, l’une d’excitation, l’autre de dépression. Les mots qui les désignent de nos jours n’ont pas toujours eu cette signification. La manie a souvent eu une acception plus large, synonyme de folie. Esquirol décrivait des « monomanies ». La mélancolie a eu des résonances mystiques avec au Moyen-âge, l’acedia. Elle a aussi été récupérée par l’esthétique, la Melencolia d’Albrecht Dürer en est le témoin célèbre. Au XIXe siècle, avec l’introduction du discours de la science, un effort de rigueur s’est imposé nécessitant une classification, c’est ce que nous nommons nosologie ou taxinomie. Ce n’est qu’en 1854 que simultanément Jean-Pierre Falret, sous le nom de « Folie circulaire » et Jules Baillarger, sous celui de « folie à double forme », font le lien entre ces deux états si dissemblables en apparence…
Piet Mondriaan, Broadway Boogie-Woogie, 1942 (détail)